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L'éducation spécialisée existe-t-elle encore ? N'est-elle pas amenée à devenir un élément indifférencié dans le travail social, l'intervention sociale ? Pour approfondir cette question nous allons tout d'abord poser que l'éducation spécialisée existe, puis qu'elle n'existe pas. Enfin nous verrons que la crise quelle traverse, du fait de son développement multiforme et parce que ses modèles fondateurs sont en remis en cause, est une occasion de la redéfinir, de repenser sa spécificité.
L'éducation spécialisée existe - L'éducation spécialisée n'existe pas - Elle est sans cesse à redéfinir


L'éducation spécialisée existe

D'une part il y a environ 100.000 professionels, éducateurs spécialisés et moniteurs éducateurs, d'autre part l'éducation spécialisée est définie : «L'Educateur Spécialisé concourt à l'éducation d'enfants et d'adolescents ou au soutien d'adultes présentant des déficiences psychiques, physiques ou des troubles de comportement ou en difficulté d'insertion, en collaboration avec tous ceux qui participent à l'action éducative et sociale. Il apporte aux familles en difficulté un soutien éducatif.» (pour lire une comparaison sur différentes définitions, voir : Définitions. ) Polyvalents, les éducateurs spécialisés sont embauchés dans des champs d'activités de plus en plus nombreux : protection de l'enfance, soutien de la parentalité, désinsertion sociale, prévention, dépendances, précarité des conditions de vie, handicaps, psychiatrie, gériatrie, politiques de la ville, accompagnement des demandeurs d'asile, des sans papiers, des SDF, dans le champ de la réduction des risques en toxicomanie...


L'éducation spécialisée n'existe pas

Alain Vilbrod remarque que la profession s'est développée rapidement à partir de la convention collective de 1966 ; le diplôme a suivi un an après (67, alors qu'il était en discussion depuis des décennies). Donc les éducateurs ont bien un statut (grâce la convention collective), mais le fait que ce statut commode contribue à la multiplication des éducateurs spécialisés ne veut pas dire que l'éducation spécialisée existe.
Curieusement la multiplication des postes co-existe avec une profonde remise en cause des modèles fondateurs. Historiquement le rôle des éducateurs spécialisés a d'abord été de « faire famille » pour les enfants et adolescents en danger, abandonnés ou délaissés ; il a aussi consisté à « faire société » pour les enfants handicapés exclus de l'éducation nationale. Les sociologues et les historiens ont beaucoup critiqué les « institutions totales » de l'éducation spécialisée, la violence faite aux parents durablement remplacés auprès de leurs enfants. Mais aujourd'hui le modèle dominant impose de ne plus remplacer les parents, de ne penser les placements d'enfants et d'adolescents que comme des mesures provisoires (même si une partie des accueils peut durer jusqu'à 20 ans, de la sortie de la maternité à la fin du contrat jeune majeur !) dans lesquelles les professionnels et les parents doivent collaborer dans une « co-éducation ». Les enfants handicapés doivent être insérés et non plus être éduqués dans des institutions séparées. De même les éducateurs de rue qui travaillaient sur la base de l'anonymat dans une relation alternative à celle des parents, professeurs et autres figures d'autorité, doivent maintenant travailler en réseau avec les collèges , soutenir les parents…


Elle est sans cesse à redéfinir

Des sociologues comme Robert Castel ou Serge Paugam nous montrent les profondes mutations du contexte social depuis la fin des années 60. A la création du diplôme d'état, l'optimisme des trente glorieuse fait que la pauvreté parait récessive. Les handicaps physiques, mentaux, sociaux, paraissent marginaux. Les maladies qui remplissaient hôpitaux et sanatoriums disparaissent (tuberculose, syphilis, poliomyélite …). On peut croire alors que les problèmes sociaux seront réglés comme les problèmes sanitaires sont en passe de l'être. Les jeunes éducateurs parlent de leur future disparition professionnelle comme d'une réussite souhaitable (on n'aurait plus besoin d'eux..). Depuis l'individualisation des parcours, la mise en concurrence généralisée, la hausse des exigences scolaires et professionnelles ont créé une précarité sociale massive, en partie masquée par les mesures d'assistance (tutelles, RMI, différents minima sociaux).
A cette précarité sociale s'est ajoutée une précarité conjugale et souvent une précarité culturelle liée aux précarités précédentes et à des chocs générationnels. Le contexte a changé, les politiques sociales se sont multipliées, l'accélération de leur rythme allant avec un ciblage des populations, avec un double risque : la stigmatisation et l'enfermement identitaire dans le statut de victime.
Un enjeu de ce site est de réfléchir à ces évolutions, des politiques publiques, des populations concernées, des fonctionnements institutionnels. Pour conclure cette introduction, j'aime bien citer cette définition du métier, donnée en Suisse : « L'éducation spécialisée, dans sa conception et sa pratique, est une profession qui tient difficilement dans une définition achevée. Sans doute parce qu'elle s'adresse à l'humain et qu'elle mobilise chez le professionnel des registres à la fois distincts et reliés : le rapport à l'autre, le poids du contexte social où se joue ce rapport, les savoirs mobilisés et le sens de l'action pour les acteurs engagés. L'éducateur spécialisé contribue à prévenir, réduire ou à résoudre des problèmes sociaux divers : désinsertion sociale, dépendances, précarité des conditions de vie, handicaps, marginalité… Ces «problèmes sociaux » ont toujours un visage, une histoire, une singularité pour lesquels il n'y a pas de réponse standard toute prête à appliquer. A chaque fois l'issue est à chercher, le projet à construire, avec et pour l'autre … Les cadres de l'intervention professionnelle varient au gré du développement des politiques sociales concernant les personnes ou les groupes de personnes susceptibles de bénéficier d'une pratique éducative : internats, foyers, lieux de vie, domicile, atelier, rue… »

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